Construit en 1910 par l’architecte René Moreau, l’Hôtel Thermal remplaça l’Hôtel des Thermes, petit bâtiment ancien et désuet en comparaison du développement de la ville de Vichy.
Il trouva sa place entre l’hôtel des Ambassadeurs, construit en 1858 et agrandi en 1866, et la Villa Strauss, appartenant au compositeur Isaac Strauss, dans laquelle l’Empereur Napoléon III séjourna en 1861 et 1862.
Le nouvel hôtel Thermal devint un paquebot de 7 étages, de style belle époque, faisant face au magnifique opéra de Vichy, inauguré en 1903, étant la seule salle de théâtre de style « Art Nouveau » en France.
La ville de Vichy est un trésor d’architecture thermale, dont les bâtiments, qu’ils soient publics ou privés, sont en grande majorité des chefs d’œuvre de l’architecture depuis la seconde partie du XIXème siècle. Les établissements thermaux, les hôtels et les maisons particulières rivalisent de beauté dans des styles largement différents, pouvant aller de chalets à des constructions de style gothique, art nouveau, art déco…
La ville de Vichy était un lieu de villégiature d’une grande élégance jusqu’à ce que le gouvernement français s’y installe en 1940, pour une raison simpliste, c’est-à-dire le très grand nombre d’hôtels, dont la configuration générale, couloirs desservant des chambres de chaque coté, permettait aisément l’installation de bureaux, et surtout parce que la ville était équipée du central téléphonique le plus moderne et performant de France. L’histoire retiendra l’horreur de cette période, qui continue à peser sur les lieux sans que quoi que ce soit puisse être possible pour effacer les traces et les cicatrices d’une époque maudite.
L’hôtel Thermal, devenu le Thermal Palace lorsqu’il devint partie intégrante du patrimoine d’un hôtelier visionnaire, Joseph Aletti, gérant la majeure partie des hôtels de prestige de Vichy, tout en étant à la tête des hôtels Negresco, Majestic et Palais de la Méditerranée de Nice, ainsi que de l’hôtel Claridge sur les Champs Elysées à Paris, et la construction en 1930 à Alger d’un grand complexe réunissant hôtel, casino, théâtre, cinéma, boutiques et salle des fêtes.
Acteur important du développement de Vichy, il crée le golf en 1909 et participe fortement à la modernisation de l’aéroport.
Mort subitement en 1938, et laissant son patrimoine à ses fils, il eût la grande chance de ne pas connaître les années noires qui transformèrent à jamais la réputation de la ville, dont l’activité thermale reprit timidement après la libération, et accueillant entre 1950 et 1960 nombre de curistes dont des têtes couronnées, des français d’Afrique du Nord et une abondance de visiteurs dont les cures thermales étaient surtout un prétexte pour participer à de très élégantes soirées et fêtes.
Le déclin du thermalisme à partir des années 60 annonça la transformation de la plupart des hôtels en appartements et participa au déclin de la ville et de ses activités touristiques.
Les maires successifs tentèrent de développer un tourisme sportif, jusqu’en 1989, année ou la nouvelle municipalité décida une politique de réhabilitation et de transformation de la ville, dont l’architecture et les lieux uniques en France devaient permettre un renouveau nécessaire.
C’est ainsi que, parmi les nombreux hôtels et la décision de développer à nouveau le thermalisme dont les effets étaient à nouveau reconnus, l’hôtel thermal fût cédé par Jacques Aletti, un homme de grande qualité, à des investisseurs qui décidèrent de moderniser les lieux et de rebaptiser l’hôtel en « Aletti Palace », affilié à ses débuts au Groupe Concorde, propriété de la famille Taittinger, possédant une chaîne de palaces à Paris.
La mission qui nous avait été confiée par les nouveaux propriétaires était une mission complète d’architecture, y compris l’ensemble des documents de permis de construire, intégrant les normes de sécurité en vigueur, d’architecture intérieure et de décoration pour l’ensemble de l’hôtel, comprenant 129 chambres réparties sur 7 étages. La surface globale des locaux à aménager était d’environ 12000 m².
Assistés par une équipe d’ingénieurs en structure, en électricité, en thermique et en sécurité incendie, nous avons, en accord avec les services de la Mairie, fait réaliser dans un premier temps les travaux de gros oeuvre et de démolition des éléments devenus obsolètes, ainsi que les travaux d’étanchéité des toitures, les constructions de dalles destinées à recevoir les revêtements futurs, à l’extérieur comme à l’intérieur, ainsi que les démolitions intérieures des salles de bains dont les équipements dataient de l’époque de la construction.
Une fois le permis de construire délivré dans des temps très courts grâce à l’appui de la municipalité qui désirait voir le projet aboutir au plus vite, nous avons démarré les travaux d’aménagement proprement dits, à savoir les nouveaux cloisonnements des chambres et salles de bains, les travaux d’électricité ainsi que ceux des réseaux de fluides destinés à l’alimentation en eau, au chauffage et à la climatisation de l’ensemble des locaux.
En ce qui concerne les travaux d’architecture intérieure proprement dits, nous avons, entre autres, été dans l’obligation de remplacer l’ensemble des portes d’accès aux chambres par des portes coupe feu adaptées aux normes en vigueur, équipées de serrures à cartes magnétiques.
Les salles de bains ont toutes été équipées de plans vasques en granit, les murs étant recouverts de carrelage à l’aspect bosselé, et les robinetteries choisies dans une marque assurant la pérennité des installations.
Afin de limiter le délai de réalisation, les murs des chambres ont été recouverts de tissu collé.
L’ensemble des moquettes des couloirs a été réalisé sur mesure d’après un dessin original, et les moquettes intérieures des chambres étaient de haute qualité, en laine, tendues. Le mobilier des chambres à été réalisé sur mesure d’après des dessins originaux que nous avons mis au point.
Nous avons eu l’immense chance de découvrir les parties communes du rez-de-chaussée, réception, salons, restaurant et escalier monumental dans leur état originel, sans que le temps n’ait imprimé aucun changement à l’architecture réalisée par les créateurs des lieux.
Au-delà de la grande complexité de réaliser les travaux dans un délai très court qui nous avait été imposé par le Maître d’Ouvrage, nous avons eu l’extrême plaisir et le grand honneur de remettre à neuf les espaces et leurs éléments décoratifs en respectant scrupuleusement les contraintes que s’étaient imposées les créateurs de l’hôtel.
Aucun élément n’était abîmé, les nombreuses colonnes monumentales ne demandaient qu’une simple révision puis des peintures adaptées à notre projet de décoration.
Le sol du hall, dégradé, a été remplacé par un dallage de pierre de Bourgogne avec cabochons de marbre noir et un entourage en marbre Sarancolin « Opéra Fantastico » des Pyrénées.
Le meuble réception existant, rénové et réaménagé pour intégrer les éléments modernes nécessaires à l’exploitation, a été placé volontairement en opposition avec le tambour d’entrée depuis la rue, dans une volonté de créer un mystère pour les clients, que nous obligions ainsi à découvrir l’espace monumental du hall avec son escalier de ferronnerie d’origine.
L’ensemble des lustres de cristal, en parfait état de conservation, a été rééquipé électriquement selon les normes, et reposé aux mêmes emplacements.
Nous avons eu l’extraordinaire opportunité de faire réaliser les travaux de ferronnerie de l’escalier, des garde corps des paliers et de la façade décorées de roses du rez-de-chaussée de l’ascenseur par le fils du ferronnier ayant réalisé les travaux d’origine, ce qui fût pour lui et pour nous une grande émotion dans la continuité historique du bâtiment.
Les murs du piano bar de l’hôtel, nouvellement dénommé « Ascot Bar », ont été habillés d’un lambris dont les éléments étaient les anciennes portes des chambres, surmontés de vitraux historiques provenant de « Londonderry House », illustre demeure londonienne démantelée en 1977 dont nous avions retrouvé les éléments dans une vente des années 1980.
L’ensemble des moquettes du restaurant et des salons a été réalisé sur dessins originaux, les rideaux et tapisseries exécutés dans des soieries fines ont été équipés de passementeries originales.
L’ensemble des codes couleur des murs, colonnes, pilastres, et plafonds ouvragés a été choisi dans un grand respect des coloris de l’époque, avec une touche de modernité afin de ne pas réaliser un clonage d’une époque révolue.
En complément des espaces publics, une cuisine professionnelle et des espaces de stockage ont été réalisés, pour apporter un grand nombre de techniques et d’équipements modernes à ces zones de travail.
Les espaces extérieurs ont été aménagés en enrochements plantés, abritant une piscine au dessin inspiré de l’esthétique de l’époque de construction de l’hôtel.
En 1998, nous avons eu pour mission de réaliser un restaurant reliant l’hôtel au rez-de-chaussée de la Villa Strauss.
Nous avons conçu l’architecture de cette construction en respectant la continuité historique de la ville de Vichy, en dessinant un édifice dont l’architecture extérieure reprenait d’une part les formes des baies de l’hôtel en les réinterprétant, et d’autre part des éléments de façade en verre gravé et en mosaïque de pâte verre colorée et dorée dont les dessins originaux reprenaient des motifs Art déco.
Une marquise d’inspiration plus contemporaine couvrait les façades en continuité avec l’hôtel et sur la rue adjacente, en liaison avec la villa Strauss, dont les façades en briques et pierres ont été rénovées dans le respect de la tradition.
Quelques lignes concernant cette construction ont été publiées dans un ouvrage raisonné « Inventaire du patrimoine thermal de Vichy », publié en 2009, page 26 :
« 1998 : Villa annexée à l’Aletti Palace. Création de « La Véranda, restaurant dans le style Art Déco que l’on pourrait croire authentique et d’époque »
Mission
Architecture et dépôt de permis de construire
Architecture intérieure et décoration
Création de mobilier spécifique et de dessins originaux pour les sols
Concepteur designer, responsable projet, coordination des études et des ouvrages en atelier, suivi des travaux jusqu’à l’assistance à la réception
Dominique Janvier Bugnon en association avec Jean Charbonnier Architecte DPLG
1991-1992
6 avril 2021